Drogues au volant: L'explosion des chiffres
Plus de 41 000 automobilistes auront été soumis cette année au test salivaire de dépistage de la drogue au volant. Un sur trois est positif. Au cannabis à plus de 80%. A la cocaïne dans les 15% des cas à Paris. Le ministère de l'Intérieur promet encore plus de contrôles en 2010.
Consommer de la drogue ou conduire, il va falloir choisir. En 2008, 6589 condamnations avaient été prononcées pour conduite sous l’emprise de stupéfiants. Cette année, sur les dix premiers mois de 2009, 15 521 délits ont déjà été constatés par les forces de police et de gendarmerie. Ces dernières disposent d’une nouvelle arme: lancé durant l’été 2008 par Michèle Alliot-Marie, le kit de dépistage salivaire fait aujourd’hui partie prenante de la panoplie répressive en matière de sécurité routière. Plus de 41 000 automobilistes et conducteurs de deux-roues auront été soumis à ce test d’ici à la fin de l’année.
Un risque d’accident multiplié par deux
Pour le ministre de l’Intérieur, l’équation est simple: la prise de drogue, et plus particulièrement de cannabis – première drogue consommée dans l’Hexagone –, multiplie par deux les risques d’accident. Par 15 si elle est associée à l’alcool. "L’objectif, fixé par le président de la République, est d’atteindre moins de 3000 morts sur la route en 2012. Pour y parvenir, il faut écarter les gens dangereux de la circulation", explique-t-on Place Beauvau. Les consommateurs de drogues en font partie même si, relativise la Sécurité routière, "environ 2,5 % des accidents mortels auraient pu être évités en 2008 si tous les conducteurs avaient respecté la législation concernant la consommation de cannabis". Le pourcentage grimpe à 32% pour l’alcool.
Sur Paris, les conducteurs contrôlés positifs à l’éthylomètre sont d’ailleurs systématiquement soumis à un dépistage stups. Comme sur l’ensemble du territoire, c’est le cannabis qui est détecté à plus de 80% – 90% en zone gendarmerie –, mais la cocaïne, particularité parisienne, est présente dans 14,5% des cas, loin devant les opiacés à 2,6%. "Même s’ils ne sont pas parfaits – il faut vingt minutes pour obtenir les résultats et il faudra améliorer leur lisibilité –, ces kits ont permis de mieux mesurer un phénomène qui existait depuis longtemps, se félicite la commissaire Françoise Hardy, chef de projet Sécurité routière à la Préfecture de police. Cela confirme que l’on a un gros souci avec le cannabis et les conducteurs de deux-roues motorisés. Sur les 42 morts enregistrés depuis le début de l’année, on compte 19 deux roues avec présence de drogue dans un tiers des cas."
Bol d’or et Teknival permettent de réaliser des "moissons"
4523 de ces kits ont été utilisés dans la capitale depuis le début de l’année, pour 1321 dépistages positifs dont seulement 975 ont été confirmés par un examen sanguin. C’est la "faiblesse" de ce dispositif: les tests salivaires doivent, en effet, être validés par des analyses de sang. Et les "faux positifs" ont un coût non négligeable. Entre le prix du kit (10 euros), celui du prélèvement sanguin (5 euros), la mobilisation d’un médecin, le coût des analyses en laboratoire (50 euros par produit recherché), la facture grimpe vite à 300 euros et ce, sans compter les heures de fonctionnaires mobilisés.
Dans le but de "rationaliser" ces dépistages stupéfiants, les gendarmes – qui réalisent leurs "meilleures moissons" à l’occasion du Bol d’or dans la Sarthe ou en marge des rassemblements festifs de type Teknival – ont choisi de remettre au goût du jour une vieille recette des policiers américains et allemands: l’analyse comportementale. "On examine comment réagit la pupille à la lumière et on fait réaliser des exercices d’équilibre avant de procéder au test", résume le lieutenant-colonel Richard Henrion.
Cet aspect financier est actuellement au centre de discussions entre le ministère de l’Intérieur et la Chancellerie (qui prend en charge la majeure partie de ces frais de justice). En effet, dès 2010, Brice Hortefeux compte aligner le régime juridique qui encadre l’usage des tests salivaires à celui des contrôles d’alcoolémie. "Aujourd’hui, détaille Henry Guyomard, premier substitut chargé des transports au parquet de Paris, le dépistage est obligatoire en cas d’accident mortel ou de dommages corporels. Et facultatif en cas d’accident matériel, d’infraction grave au code de la route (vitesse, non port de la ceinture ou du casque…) ou s’il existe des raisons plausibles de soupçonner que le conducteur a fait usage de stupéfiants…" "Il y a parfois un nuage de fumée qui sort de la fenêtre quand on contrôle, plaisante un policier parisien de terrain. Mais on essaie surtout de cibler au maximum nos contrôles sur les zones accidentogènes, à proximité des lieux festifs ou lors de contrôles volants en repérant les deux-roues qui multiplient les infractions."
100 000 kits en stock
Conduire sous l’emprise de stupéfiants est passible de deux ans d’emprisonnement et de 4500 euros d’amende (trois ans et 9000 euros d’amende si l’infraction est couplée avec l’alcoolémie). Qu’en est-il dans les faits? La première sanction est administrative et coûte six points sur le permis. Ensuite, la justice, sauf accidents et délits routiers graves, privilégie la fluidité. La plupart des cas se règlent par ordonnance pénale ou par CRPC (comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité). A Paris, le barème des réquisitions tourne autour de trois mois de suspension – "jamais plus d’un an", précise Henry Guyomard – et 300 euros d’amende. De nombreuses alternatives à la sanction sont également prononcées. Selon l’Intérieur, les forces de l’ordre disposent aujourd’hui d’un stock de 100 000 kits. De quoi intensifier encore sérieusement ces contrôles en 2010. Et créer un sentiment d’insécurité chez les consommateurs de drogue?
Source: JDD